jeudi 1 décembre 2011

S.E Mr DENIS PIETTON, AMBASSADEUR DE FRANCE AU LIBAN



Unis par les jalons de l’histoire, le Liban et la France ont toujours connu des destins croisés. Depuis le XIIème siècle, ces deux pays entretiennent des liens privilégiés dont les premiers fondements ont été établis par les rois de France et la communauté Maronite. Au fil du temps, ces liens ont évolué et n’ont cessé de se renforcer. Aujourd’hui plus que jamais, l’amitié franco-libanaise s’articule autour de valeurs communes allant bien au-delà de la francophonie.

Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur de France Denis Pietton m'a reçue au sein même de sa demeure, La Résidence des Pins, un lieu d’exception témoin des grands événements qui ont marqué l’histoire du Liban au XXème siècle. 












Votre Excellence, vous êtes Ambassadeur de France au Liban depuis deux ans. Connaissiez-vous bien ce pays avant d’avoir été nommé à la tête de l’Ambassade?


Je ne connaissais pas du tout le Liban. J’avais eu l’occasion de passer très brièvement dans ce pays il y a une trentaine d’années lorsque je faisais mon service militaire au sultanat d’Oman; j’allais voir mes parents qui se trouvaient alors en Turquie et étais passé par Beyrouth. Je n’avais cependant pas eu l’opportunité de sortir de l’aéroport où j’avais passé plusieurs heures. Etre nommé au Liban bien des années plus tard a été une agréable surprise.




Quelles ont été vos premières impressions lors de votre arrivée à Beyrouth?
 
Mes toutes premières impressions se rapportent au moment où l’avion a atterri sur le sol Libanais. Lors du survol de la côte, j’avais trouvé la ville particulièrement belle car elle donnait une impression de blancheur. C’est un site magnifique qui, à mes yeux, s’apparente à certaines grandes villes du sud de l’Europe (y compris françaises comme Marseille, Nice) ou encore des villes italiennes «en balcon» sur la Méditerranée. Malheureusement, la guerre civile est passée par là, ce qui a occasionné une certaine anarchie au niveau de l’urbanisme, de la circulation… On trouve des niveaux de pollution importants… Tout cela pose problème au quotidien. Ceci dit, je n’ai pas été surpris car j’ai découvert au Liban ce que j’attendais de Beyrouth, c’est-à-dire une ville très diversifiée avec des aspects européens à certains égards, tout en demeurant une cité du Proche-Orient. Je me suis toujours intéressé à cette région du monde et apprécie le dynamisme que l’on y trouve; or de ce point de vue, Beyrouth est une ville extrêmement active.


La communauté française est particulièrement bien intégrée au Liban. Pensez-vous que les liens étroits unissant français et libanais soient principalement dûs à l’usage commun de la langue française, aux racines latines que nous partageons, ou à une philosophie de vie épicurienne?

Selon moi, c’est un peu tout cela à la fois. La langue n’est pas uniquement un vecteur de communication, elle véhicule également un certain nombre de références et de valeurs. En outre, la présence marquée de la francophonie au Liban fait que nous avons un certain mode de vie en commun avec les habitants de ce pays. J’ai par exemple été frappé en remarquant que l’on trouvait beaucoup de produits français au Liban; les gens cultivent le plaisir de la convivialité, la cuisine libanaise est connue et renommée dans le monde entier… Nous partageons avec les libanais une forme d’épicurisme nous rapprochant bien au-delà de notre histoire commune qui s’inscrit dans la continuité.


A ce stade de votre parcours diplomatique, de quelle façon percevez-vous le Liban et comment définiriez-vous ses spécificités socio-culturelles par rapport aux pays où vous avez été en poste précédemment?


Chaque pays est unique et il est difficile d’établir des comparaisons. J’ai toujours été impressionné par l’affection que le peuple libanais éprouve, à différents degrés, pour notre pays. Dans leur grande majorité, les libanais aiment la France. Je n’ai jamais rencontré de réactions d’hostilité à l’égard de notre patrie; en fait, j’ai l’impression que notre histoire commune (qui remonte à plusieurs centaines d'années, sans oublier le mandat français si l’on veut évoquer un passé plus récent…) a plutôt laissé un bon souvenir aux libanais. La référence à la France est généralement très positive, chose relativement peu courante dans les territoires où elle a été présente en tant que puissance coloniale (comme au Maghreb ou en Afrique). Rares sont les pays où il existe un à priori aussi nettement francophile qu’au Liban. Très souvent, dans les régions du monde où la France a marqué sa présence, on retrouve de la sympathie mêlée à l’expression d’une certaine forme de «reproche historique» par rapport au colonialisme. Au Liban, ce n’est pas du tout le cas. Nous avons la chance d’avoir pour partenaire un pays qui aime la France, tout simplement.


Quelles sont les nouvelles initiatives entreprises par la France afin de favoriser et renforcer son rayonnement culturel au Liban?



Actuellement se pose la question de la francophonie. Beaucoup de libanais ont le sentiment que le français est en déclin. C’est un sujet délicat sur lequel il faut se pencher de près. Dans le cadre de l’enseignement public, les filières francophones restent très largement majoritaires par rapport aux filières anglophones. Il existe au Liban des universités francophones et l’on retrouve des filières en langue française dans différents établissements, y compris à l’université libanaise où est notamment proposée une filière de droit en langue française constituant un bel exemple de réussite; j’aimerais également citer l’ESA (Ecole Supérieure des Affaires), créée il y a 15 ans, prouvant que l’on peut faire des études d’affaires de niveau international en français. La francophonie demeure très présente au Liban même s’il est clair que l’anglais progresse. Toute l’idée à la base de l’adhésion du Liban à un pacte francophone signé avec  l’Organisation Internationale de la Francophonie est de renforcer la place du français dans les administrations, de consolider sa position dans l’enseignement (notre service culturel y travaille assidûment avec le ministère de l’éducation libanais) et de montrer que l’usage et la connaissance du français permettent d’avoir accès à un environnement culturel aussi complet que diversifié. C’est là tout le travail qu’effectuent nos services en charge de la culture, ainsi que l’Institut Culturel qui va bientôt voir le jour. Nous essayons d’avoir une présence aussi multiforme que possible, souvent en collaboration avec des partenaires libanais. Je pense que la question essentielle n’est pas la concurrence entre le français et l’anglais. La chance des libanais est de pouvoir être trilingues (arabe-français-anglais). Or les études montrent que l’on ne peut être parfaitement trilingue qu’en passant par l’apprentissage du français. L’arabe étant la langue maternelle, on passera plus facilement à l’anglais après avoir étudié le français que si l’on a étudié l’anglais en premier lieu. Mon conseil aux jeunes libanais souhaitant être trilingues (ce qui constitue une réelle chance dans le monde global d’aujourd’hui) est de passer d’abord par le français, l’apprentissage de la langue anglaise pouvant se faire ultérieurement et de façon plus fluide.


Pouvez-vous évoquer en quelques mots l’Institut Culturel Français qui va s’ouvrir prochainement?


L’Institut s’ouvrira officiellement le 1er janvier. Il s’agira essentiellement d’une présentation de ce que nous proposerons; en effet, nous avons pensé qu’il fallait rendre nos activités culturelles plus attractives, concentrées, et plus visibles par rapport au public libanais. La vocation de l’Institut Culturel Français est véritablement d’être la vitrine culturelle de la France au Liban. Ceci met un terme à une sorte de dichotomie qui s’était installée entre le service culturel de l’ambassade et la mission culturelle française. Désormais, la culture française a une adresse au Liban: l’Institut Français.



L’écrivain Amin Maalouf a été élevé au rang d’Immortel par l’Académie Française il y a quelques mois. Le fait qu’un auteur d’origine libanaise accède à une fonction d’aussi haute importance est une grande fierté pour tous ses concitoyens et lecteurs. Qu’avez-vous pensé de cette élection?

C’est un événement formidable qui prouve à tous que la langue de Molière n’est pas la «propriété» exclusive des français mais qu’elle appartient à toutes les personnes qui la parlent. Le français est une langue de partage. La France croit beaucoup en la diversité culturelle et linguistique. Le fait de reconnaître les qualités d’un écrivain libanais, de lui donner le statut d’Immortel, est une très belle reconnaissance de ce que la pluralité et les échanges culturels peuvent apporter aux peuples. Je pense que c’est également un facteur de paix: le dialogue et la meilleure connaissance de l’autre, de sa culture, permettent d’entretenir des relations à la fois apaisées et pacifiques. Je suis très impressionné par l’impact que cette élection a eu au Liban, tout comme en France où la nouvelle a été extrêmement bien accueillie.


Vous occupez la Résidence des Pins, une somptueuse demeure chargée de souvenirs et de symboles. Quelle est l’histoire de ce lieu mythique et comment est-il devenu la résidence des Ambassadeurs de France ?


A l’origine, la Résidence des Pins a été édifiée sur un terrain appartenant à la famille Sursock qui avait voulu construire une sorte d’ensemble de loisirs sous la forme d’un grand bâtiment censé abriter un casino. De ce projet sont nés la Résidence des Pins et l’Hippodrome (ce dernier est situé à côté de la Résidence et existe toujours). Contrairement à ce qui avait été initialement prévu, la Résidence des Pins n’a jamais été convertie en casino. Construite au XXème siècle, peu avant la fin de la première guerre mondiale, elle a servi de demeure au Résident Général Français. C’est sur le perron de cette propriété qu’a été proclamé, le 1er septembre 1920, le Grand Liban correspondant au Liban moderne tel que nous le connaissons dans ses limites géographiques actuelles. Dans mon bureau se trouve un tableau immortalisant ce moment historique et sur lequel est représenté le Général Gouraud entouré des principaux dignitaires religieux libanais de l’époque. La Résidence des Pins a reçu le Résident Général Français jusqu’en 1943, date de l’indépendance du Liban. A ce moment, elle est devenue la Résidence officielle des Ambassadeurs de France. C’est une maison qui a toujours été associée à la France, que ce soit à l’époque du mandat ou après l’indépendance, mais c’est également un lieu historique pour les libanais car le Liban actuel a été créé ici même de façon à la fois officielle et symbolique. Cette demeure a traversé l’histoire libanaise et la France l’a toujours conservée en dépit de la guerre. Elle n’a d’ailleurs jamais été désertée lors des conflits, il y a systématiquement eu une présence à la Résidence des Pins que ce soit à travers un gardien, des gendarmes ou des soldats lorsque l’ambassadeur ne pouvait plus y séjourner du fait des combats alentours. La Résidence a malheureusement été gravement endommagée pendant la guerre civile; compte tenu du symbole incarné par cette maison, le Président Chirac a souhaité qu’elle soit restaurée et redevienne la résidence des Ambassadeurs de France. Notre pays a mobilisé d’importants moyens afin de mettre en œuvre une restauration de qualité. A la suite des travaux, la Résidence a été inaugurée par le Président Jacques Chirac en 1998. Il est frappant de constater qu’une quinzaine d’années après sa restauration, cette magnifique maison soit toujours aussi bien conservée. Nous en sommes très fiers et la gardons comme la prunelle de nos yeux. C’est une demeure à la fois française et libanaise. 

De nombreuses personnalités ont séjourné à la Résidence des Pins, cependant la plus marquante d’entre elles est incontestablement le Général de Gaulle. Après s’être rendu deux fois à Beyrouth dans les années 30, il est revenu au Liban en tant que Chef de la France libre en juillet 1941 et août 1942; c’est à cette occasion qu’il a séjourné dans la Résidence.

 

Aimeriez-vous adresser un message à vos compatriotes vivant au Liban ainsi qu’aux amis de la France et aux amoureux de sa culture? 

Le message me tenant à coeur est celui que j’ai adressé le 14 juillet dernier: j’avais mis en avant tout ce qui représentait le Liban en termes de talent. Je trouve le peuple libanais entreprenant et dynamique; il a su s’accommoder aux migrations, s’intégrer dans les pays qui l’ont accueilli tout en maintenant un lien affectif ou familial avec sa terre natale. Je considère que le Liban nous donne beaucoup de leçons d’optimisme; en Europe, du fait de la crise économique et de certaines difficultés du quotidien, nous manquons souvent d’optimisme et ne nous rendons pas forcément compte de tous les avantages qui nous sont offerts. J’aimerais donc dire aux français du Liban et aux franco-libanais qu’ils ont de la chance d’appartenir à ce pays et d’y vivre. Les français sont remarquablement bien accueillis, bien acceptés, et je pense que les libanais ont énormément de choses à apporter à notre pays. D’ailleurs ils l’ont déjà fait, pour preuve le succès de la diaspora libanaise en France. Récemment, à l’occasion de la visite du patriarche maronite à Paris, nous avons pu nous féliciter, en compagnie des personnalités françaises qui l’avaient rencontré, de la très bonne intégration des libanais. Cette communauté est chez elle en France, se sent très à l’aise dans notre culture, connaît nos références, notre histoire, fait preuve de dynamisme et de créativité… C’est une chance pour notre pays que d’entretenir de telles relations humaines avec le Liban.



Merci à Madame Anne-Charlotte Dommartin et Monsieur Stanislas Verpoort pour leur collaboration.












STEVE JOBS, DISPARITION DU GENIE QUI A REVOLUTIONNE NOTRE QUOTIDIEN







Après des années de lutte contre la maladie, Steve Jobs a tiré sa révérence le 5 octobre 2011, laissant derrière lui l’une des multinationales les plus importantes du monde. Parti de rien, celui qui avait mis au point le premier ordinateur Apple avec son acolyte Steve Wozniak (dans le garage familial de Los Altos, en Californie) incarnait bien plus que le rêve américain: au fil des ans, Steve Jobs est devenu une véritable icône. Admiré, voire même adulé par des millions d’adeptes de la marque à la pomme aux quatre coins du globe, Jobs a marqué son temps d’une empreinte indélébile. A tel point que sa disparition a créé une onde de choc à l’échelle planétaire: les cinq continents ont été balayés par une vague d’émotion intense, un phénomène de masse comparable à ce qui se produit parfois lors du décès de grandes stars de la musique ou du cinéma, et dont ont été témoins les médias ainsi que les réseaux sociaux.



Le talent de Steve Jobs ne s’est pas limité à la seule démocratisation de l’outil informatique qu’il a rendu accessible au plus grand nombre. Loin d’être un prodige de la programmation, ce visionnaire passionné de technologie a fait preuve de génie en sachant anticiper les besoins du public et en créant des instruments qui allaient révolutionner notre quotidien de façon plus ou moins directe. Les innovations d’Apple ont définitivement bouleversé notre manière de communiquer, d’apprendre, de nous divertir…. Mais la généralisation de l’informatique a avant tout eu des répercussions majeures dans des domaines comme la science ou la recherche. En accélérant le processus de traitement de l’information, en raccourcissant de façon virtuelle les distances géographiques, Jobs a significativement contribué à l’amélioration de nos conditions de vie.



Loin du monde cartésien des ingénieurs en informatique, le co-fondateur d’Apple ne s’est jamais fixé de limites, lançant tour à tour les paris les plus fous autour de la création de produits auxquels quasiment personne ne croyait, mais dont il était convaincu qu’ils deviendraient indispensables à chacun de nous. Toute sa vie durant, il a su conserver cette incroyable fougue propre à la jeunesse, seule force permettant de croire qu’à tout moment, il est possible de changer le monde. Rétif au conformisme dans lequel la plupart des individus s’enracinent avec les années, Steve Jobs se démarquait systématiquement du plus grand nombre dans sa façon d’agir et de penser. Au point de transformer cette attitude en slogan afin d’inciter les consommateurs à faire de même en acquérant ses produits: «Think different» («pensez différemment») disait la publicité.  



Le jour de l’annonce du décès du patron d’Apple, le président Barack Obama a déclaré: «Steve était l’un des plus grands inventeurs américains, assez courageux pour penser différemment, assez audacieux pour croire qu’il pouvait changer le monde, et assez talentueux pour le faire.» C’était là tout le génie de Jobs qui a prouvé au monde entier que rien n’est impossible pour ceux qui croient en leurs rêves. Personnage charismatique doté d’une aura incroyable, adulé comme une véritable rockstar de son vivant, Steve Jobs ne figurera jamais au panthéon des grands inventeurs ou des richissimes chefs d’entreprises car il fait désormais partie des mythes de l’histoire contemporaine.