jeudi 1 décembre 2011

S.E Mr DENIS PIETTON, AMBASSADEUR DE FRANCE AU LIBAN



Unis par les jalons de l’histoire, le Liban et la France ont toujours connu des destins croisés. Depuis le XIIème siècle, ces deux pays entretiennent des liens privilégiés dont les premiers fondements ont été établis par les rois de France et la communauté Maronite. Au fil du temps, ces liens ont évolué et n’ont cessé de se renforcer. Aujourd’hui plus que jamais, l’amitié franco-libanaise s’articule autour de valeurs communes allant bien au-delà de la francophonie.

Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur de France Denis Pietton m'a reçue au sein même de sa demeure, La Résidence des Pins, un lieu d’exception témoin des grands événements qui ont marqué l’histoire du Liban au XXème siècle. 












Votre Excellence, vous êtes Ambassadeur de France au Liban depuis deux ans. Connaissiez-vous bien ce pays avant d’avoir été nommé à la tête de l’Ambassade?


Je ne connaissais pas du tout le Liban. J’avais eu l’occasion de passer très brièvement dans ce pays il y a une trentaine d’années lorsque je faisais mon service militaire au sultanat d’Oman; j’allais voir mes parents qui se trouvaient alors en Turquie et étais passé par Beyrouth. Je n’avais cependant pas eu l’opportunité de sortir de l’aéroport où j’avais passé plusieurs heures. Etre nommé au Liban bien des années plus tard a été une agréable surprise.




Quelles ont été vos premières impressions lors de votre arrivée à Beyrouth?
 
Mes toutes premières impressions se rapportent au moment où l’avion a atterri sur le sol Libanais. Lors du survol de la côte, j’avais trouvé la ville particulièrement belle car elle donnait une impression de blancheur. C’est un site magnifique qui, à mes yeux, s’apparente à certaines grandes villes du sud de l’Europe (y compris françaises comme Marseille, Nice) ou encore des villes italiennes «en balcon» sur la Méditerranée. Malheureusement, la guerre civile est passée par là, ce qui a occasionné une certaine anarchie au niveau de l’urbanisme, de la circulation… On trouve des niveaux de pollution importants… Tout cela pose problème au quotidien. Ceci dit, je n’ai pas été surpris car j’ai découvert au Liban ce que j’attendais de Beyrouth, c’est-à-dire une ville très diversifiée avec des aspects européens à certains égards, tout en demeurant une cité du Proche-Orient. Je me suis toujours intéressé à cette région du monde et apprécie le dynamisme que l’on y trouve; or de ce point de vue, Beyrouth est une ville extrêmement active.


La communauté française est particulièrement bien intégrée au Liban. Pensez-vous que les liens étroits unissant français et libanais soient principalement dûs à l’usage commun de la langue française, aux racines latines que nous partageons, ou à une philosophie de vie épicurienne?

Selon moi, c’est un peu tout cela à la fois. La langue n’est pas uniquement un vecteur de communication, elle véhicule également un certain nombre de références et de valeurs. En outre, la présence marquée de la francophonie au Liban fait que nous avons un certain mode de vie en commun avec les habitants de ce pays. J’ai par exemple été frappé en remarquant que l’on trouvait beaucoup de produits français au Liban; les gens cultivent le plaisir de la convivialité, la cuisine libanaise est connue et renommée dans le monde entier… Nous partageons avec les libanais une forme d’épicurisme nous rapprochant bien au-delà de notre histoire commune qui s’inscrit dans la continuité.


A ce stade de votre parcours diplomatique, de quelle façon percevez-vous le Liban et comment définiriez-vous ses spécificités socio-culturelles par rapport aux pays où vous avez été en poste précédemment?


Chaque pays est unique et il est difficile d’établir des comparaisons. J’ai toujours été impressionné par l’affection que le peuple libanais éprouve, à différents degrés, pour notre pays. Dans leur grande majorité, les libanais aiment la France. Je n’ai jamais rencontré de réactions d’hostilité à l’égard de notre patrie; en fait, j’ai l’impression que notre histoire commune (qui remonte à plusieurs centaines d'années, sans oublier le mandat français si l’on veut évoquer un passé plus récent…) a plutôt laissé un bon souvenir aux libanais. La référence à la France est généralement très positive, chose relativement peu courante dans les territoires où elle a été présente en tant que puissance coloniale (comme au Maghreb ou en Afrique). Rares sont les pays où il existe un à priori aussi nettement francophile qu’au Liban. Très souvent, dans les régions du monde où la France a marqué sa présence, on retrouve de la sympathie mêlée à l’expression d’une certaine forme de «reproche historique» par rapport au colonialisme. Au Liban, ce n’est pas du tout le cas. Nous avons la chance d’avoir pour partenaire un pays qui aime la France, tout simplement.


Quelles sont les nouvelles initiatives entreprises par la France afin de favoriser et renforcer son rayonnement culturel au Liban?



Actuellement se pose la question de la francophonie. Beaucoup de libanais ont le sentiment que le français est en déclin. C’est un sujet délicat sur lequel il faut se pencher de près. Dans le cadre de l’enseignement public, les filières francophones restent très largement majoritaires par rapport aux filières anglophones. Il existe au Liban des universités francophones et l’on retrouve des filières en langue française dans différents établissements, y compris à l’université libanaise où est notamment proposée une filière de droit en langue française constituant un bel exemple de réussite; j’aimerais également citer l’ESA (Ecole Supérieure des Affaires), créée il y a 15 ans, prouvant que l’on peut faire des études d’affaires de niveau international en français. La francophonie demeure très présente au Liban même s’il est clair que l’anglais progresse. Toute l’idée à la base de l’adhésion du Liban à un pacte francophone signé avec  l’Organisation Internationale de la Francophonie est de renforcer la place du français dans les administrations, de consolider sa position dans l’enseignement (notre service culturel y travaille assidûment avec le ministère de l’éducation libanais) et de montrer que l’usage et la connaissance du français permettent d’avoir accès à un environnement culturel aussi complet que diversifié. C’est là tout le travail qu’effectuent nos services en charge de la culture, ainsi que l’Institut Culturel qui va bientôt voir le jour. Nous essayons d’avoir une présence aussi multiforme que possible, souvent en collaboration avec des partenaires libanais. Je pense que la question essentielle n’est pas la concurrence entre le français et l’anglais. La chance des libanais est de pouvoir être trilingues (arabe-français-anglais). Or les études montrent que l’on ne peut être parfaitement trilingue qu’en passant par l’apprentissage du français. L’arabe étant la langue maternelle, on passera plus facilement à l’anglais après avoir étudié le français que si l’on a étudié l’anglais en premier lieu. Mon conseil aux jeunes libanais souhaitant être trilingues (ce qui constitue une réelle chance dans le monde global d’aujourd’hui) est de passer d’abord par le français, l’apprentissage de la langue anglaise pouvant se faire ultérieurement et de façon plus fluide.


Pouvez-vous évoquer en quelques mots l’Institut Culturel Français qui va s’ouvrir prochainement?


L’Institut s’ouvrira officiellement le 1er janvier. Il s’agira essentiellement d’une présentation de ce que nous proposerons; en effet, nous avons pensé qu’il fallait rendre nos activités culturelles plus attractives, concentrées, et plus visibles par rapport au public libanais. La vocation de l’Institut Culturel Français est véritablement d’être la vitrine culturelle de la France au Liban. Ceci met un terme à une sorte de dichotomie qui s’était installée entre le service culturel de l’ambassade et la mission culturelle française. Désormais, la culture française a une adresse au Liban: l’Institut Français.



L’écrivain Amin Maalouf a été élevé au rang d’Immortel par l’Académie Française il y a quelques mois. Le fait qu’un auteur d’origine libanaise accède à une fonction d’aussi haute importance est une grande fierté pour tous ses concitoyens et lecteurs. Qu’avez-vous pensé de cette élection?

C’est un événement formidable qui prouve à tous que la langue de Molière n’est pas la «propriété» exclusive des français mais qu’elle appartient à toutes les personnes qui la parlent. Le français est une langue de partage. La France croit beaucoup en la diversité culturelle et linguistique. Le fait de reconnaître les qualités d’un écrivain libanais, de lui donner le statut d’Immortel, est une très belle reconnaissance de ce que la pluralité et les échanges culturels peuvent apporter aux peuples. Je pense que c’est également un facteur de paix: le dialogue et la meilleure connaissance de l’autre, de sa culture, permettent d’entretenir des relations à la fois apaisées et pacifiques. Je suis très impressionné par l’impact que cette élection a eu au Liban, tout comme en France où la nouvelle a été extrêmement bien accueillie.


Vous occupez la Résidence des Pins, une somptueuse demeure chargée de souvenirs et de symboles. Quelle est l’histoire de ce lieu mythique et comment est-il devenu la résidence des Ambassadeurs de France ?


A l’origine, la Résidence des Pins a été édifiée sur un terrain appartenant à la famille Sursock qui avait voulu construire une sorte d’ensemble de loisirs sous la forme d’un grand bâtiment censé abriter un casino. De ce projet sont nés la Résidence des Pins et l’Hippodrome (ce dernier est situé à côté de la Résidence et existe toujours). Contrairement à ce qui avait été initialement prévu, la Résidence des Pins n’a jamais été convertie en casino. Construite au XXème siècle, peu avant la fin de la première guerre mondiale, elle a servi de demeure au Résident Général Français. C’est sur le perron de cette propriété qu’a été proclamé, le 1er septembre 1920, le Grand Liban correspondant au Liban moderne tel que nous le connaissons dans ses limites géographiques actuelles. Dans mon bureau se trouve un tableau immortalisant ce moment historique et sur lequel est représenté le Général Gouraud entouré des principaux dignitaires religieux libanais de l’époque. La Résidence des Pins a reçu le Résident Général Français jusqu’en 1943, date de l’indépendance du Liban. A ce moment, elle est devenue la Résidence officielle des Ambassadeurs de France. C’est une maison qui a toujours été associée à la France, que ce soit à l’époque du mandat ou après l’indépendance, mais c’est également un lieu historique pour les libanais car le Liban actuel a été créé ici même de façon à la fois officielle et symbolique. Cette demeure a traversé l’histoire libanaise et la France l’a toujours conservée en dépit de la guerre. Elle n’a d’ailleurs jamais été désertée lors des conflits, il y a systématiquement eu une présence à la Résidence des Pins que ce soit à travers un gardien, des gendarmes ou des soldats lorsque l’ambassadeur ne pouvait plus y séjourner du fait des combats alentours. La Résidence a malheureusement été gravement endommagée pendant la guerre civile; compte tenu du symbole incarné par cette maison, le Président Chirac a souhaité qu’elle soit restaurée et redevienne la résidence des Ambassadeurs de France. Notre pays a mobilisé d’importants moyens afin de mettre en œuvre une restauration de qualité. A la suite des travaux, la Résidence a été inaugurée par le Président Jacques Chirac en 1998. Il est frappant de constater qu’une quinzaine d’années après sa restauration, cette magnifique maison soit toujours aussi bien conservée. Nous en sommes très fiers et la gardons comme la prunelle de nos yeux. C’est une demeure à la fois française et libanaise. 

De nombreuses personnalités ont séjourné à la Résidence des Pins, cependant la plus marquante d’entre elles est incontestablement le Général de Gaulle. Après s’être rendu deux fois à Beyrouth dans les années 30, il est revenu au Liban en tant que Chef de la France libre en juillet 1941 et août 1942; c’est à cette occasion qu’il a séjourné dans la Résidence.

 

Aimeriez-vous adresser un message à vos compatriotes vivant au Liban ainsi qu’aux amis de la France et aux amoureux de sa culture? 

Le message me tenant à coeur est celui que j’ai adressé le 14 juillet dernier: j’avais mis en avant tout ce qui représentait le Liban en termes de talent. Je trouve le peuple libanais entreprenant et dynamique; il a su s’accommoder aux migrations, s’intégrer dans les pays qui l’ont accueilli tout en maintenant un lien affectif ou familial avec sa terre natale. Je considère que le Liban nous donne beaucoup de leçons d’optimisme; en Europe, du fait de la crise économique et de certaines difficultés du quotidien, nous manquons souvent d’optimisme et ne nous rendons pas forcément compte de tous les avantages qui nous sont offerts. J’aimerais donc dire aux français du Liban et aux franco-libanais qu’ils ont de la chance d’appartenir à ce pays et d’y vivre. Les français sont remarquablement bien accueillis, bien acceptés, et je pense que les libanais ont énormément de choses à apporter à notre pays. D’ailleurs ils l’ont déjà fait, pour preuve le succès de la diaspora libanaise en France. Récemment, à l’occasion de la visite du patriarche maronite à Paris, nous avons pu nous féliciter, en compagnie des personnalités françaises qui l’avaient rencontré, de la très bonne intégration des libanais. Cette communauté est chez elle en France, se sent très à l’aise dans notre culture, connaît nos références, notre histoire, fait preuve de dynamisme et de créativité… C’est une chance pour notre pays que d’entretenir de telles relations humaines avec le Liban.



Merci à Madame Anne-Charlotte Dommartin et Monsieur Stanislas Verpoort pour leur collaboration.












STEVE JOBS, DISPARITION DU GENIE QUI A REVOLUTIONNE NOTRE QUOTIDIEN







Après des années de lutte contre la maladie, Steve Jobs a tiré sa révérence le 5 octobre 2011, laissant derrière lui l’une des multinationales les plus importantes du monde. Parti de rien, celui qui avait mis au point le premier ordinateur Apple avec son acolyte Steve Wozniak (dans le garage familial de Los Altos, en Californie) incarnait bien plus que le rêve américain: au fil des ans, Steve Jobs est devenu une véritable icône. Admiré, voire même adulé par des millions d’adeptes de la marque à la pomme aux quatre coins du globe, Jobs a marqué son temps d’une empreinte indélébile. A tel point que sa disparition a créé une onde de choc à l’échelle planétaire: les cinq continents ont été balayés par une vague d’émotion intense, un phénomène de masse comparable à ce qui se produit parfois lors du décès de grandes stars de la musique ou du cinéma, et dont ont été témoins les médias ainsi que les réseaux sociaux.



Le talent de Steve Jobs ne s’est pas limité à la seule démocratisation de l’outil informatique qu’il a rendu accessible au plus grand nombre. Loin d’être un prodige de la programmation, ce visionnaire passionné de technologie a fait preuve de génie en sachant anticiper les besoins du public et en créant des instruments qui allaient révolutionner notre quotidien de façon plus ou moins directe. Les innovations d’Apple ont définitivement bouleversé notre manière de communiquer, d’apprendre, de nous divertir…. Mais la généralisation de l’informatique a avant tout eu des répercussions majeures dans des domaines comme la science ou la recherche. En accélérant le processus de traitement de l’information, en raccourcissant de façon virtuelle les distances géographiques, Jobs a significativement contribué à l’amélioration de nos conditions de vie.



Loin du monde cartésien des ingénieurs en informatique, le co-fondateur d’Apple ne s’est jamais fixé de limites, lançant tour à tour les paris les plus fous autour de la création de produits auxquels quasiment personne ne croyait, mais dont il était convaincu qu’ils deviendraient indispensables à chacun de nous. Toute sa vie durant, il a su conserver cette incroyable fougue propre à la jeunesse, seule force permettant de croire qu’à tout moment, il est possible de changer le monde. Rétif au conformisme dans lequel la plupart des individus s’enracinent avec les années, Steve Jobs se démarquait systématiquement du plus grand nombre dans sa façon d’agir et de penser. Au point de transformer cette attitude en slogan afin d’inciter les consommateurs à faire de même en acquérant ses produits: «Think different» («pensez différemment») disait la publicité.  



Le jour de l’annonce du décès du patron d’Apple, le président Barack Obama a déclaré: «Steve était l’un des plus grands inventeurs américains, assez courageux pour penser différemment, assez audacieux pour croire qu’il pouvait changer le monde, et assez talentueux pour le faire.» C’était là tout le génie de Jobs qui a prouvé au monde entier que rien n’est impossible pour ceux qui croient en leurs rêves. Personnage charismatique doté d’une aura incroyable, adulé comme une véritable rockstar de son vivant, Steve Jobs ne figurera jamais au panthéon des grands inventeurs ou des richissimes chefs d’entreprises car il fait désormais partie des mythes de l’histoire contemporaine.







dimanche 24 juillet 2011

S.E MR BOUTROS ASSAKER, AMBASSADEUR DU LIBAN EN FRANCE



Haut lieu de représentation de l'Etat, l'ambassade du Liban, installée à Paris, est également synonyme de raffinement et d'élégance. Idéalement située au sein de la Villa Copernic, l'ambassade arbore avec fierté les couleurs du pays du Cèdre. Son Excellence Monsieur l'Ambassadeur Boutros Assaker m'a ouvert les portes de cette somptueuse demeure afin d'évoquer son quotidien.









Votre Excellence, quel a été votre parcours diplomatique et depuis quand êtes-vous à la tête de l'ambassade du Liban en France?


J'ai commencé ma carrière à Bogota, en Colombie, où j'ai passé trois ans en tant que Premier Secrétaire. Parallèlement à cela, j'ai préparé une maîtrise de sciences politiques à la prestigieuse Université Catholique de Bogota. J'ai ensuite été muté à Belgrade, peu avant l'implosion de la Fédération Yougoslave. J'ai acquis une grande expérience dans ce pays qui présente des similitudes avec la société libanaise. Par ailleurs, j'ai également été premier conseiller et chef de mission diplomatique à Rome, où je suis resté sept ans, avant d'être nommé Ambassadeur auprès de la Fédération de Russie et de la République de Biélorussie. Puis je suis retourné à Beyrouth où j'étais directeur des Affaires Politiques au Ministère des Affaires Etrangères, tout en exerçant la charge de Secrétaire Général. Lors de mon séjour au Liban, le gouvernement libanais m’a chargé de suivre le dossier de l'assassinat de l’ancien Premier Ministre Rafic Hariri au Conseil de Sécurité des Nations Unies. J'ai contribué à l'établissement de la commission d'enquête et à la création du tribunal international. A la suite de cette période qui a duré presque trois ans, j'ai été nommé à Paris où je suis Ambassadeur du Liban depuis juillet 2007.



Comment se déroule l’une de vos journées type à l'ambassade?


Je me réveille très tôt, aux environs de six heures. Ma journée commence par une lecture de la presse libanaise et locale sur internet. Ensuite, je me consacre au sport en pratiquant une heure de jogging. A neuf heures précises, j’intègre mon bureau où je reste habituellement jusqu'à quinze heures. S'il y a des rendez-vous au Quai d'Orsay, dans d'autres ambassades, ou si je dois assister à des conférences, je me déplace personnellement ou délègue la mission à un diplomate de l'ambassade. Le soir, je dois souvent me consacrer à mes engagements sociaux. L'ambassade du Liban en France est une ambassade de premier plan, c’est le plus grand lieu de représentation de l’Etat libanais à l’étranger. Etant donné les relations très riches et variées entre nos deux pays sur les plans politique, culturel, social et économique, les visites sont très nombreuses, tout comme les sollicitations de différente nature. Elles prennent beaucoup de temps mais c'est pour moi très intéressant et une grande source de satisfaction dans la mesure où ces relations sont excellentes.


L'ambassade occupe la Villa Copernic, un très bel hôtel particulier. Quelle est l'histoire de ce lieu et dans quelles circonstances a-t-il été acquis par l'état Libanais?


La Villa Copernic est un hôtel particulier datant du XIXe siècle. Ahmad Al-Daûq, notre premier Ambassadeur, en a fait l'acquisition en 1944, juste après l'Indépendance. A la place des bureaux actuels se trouvait un petit jardin, les locaux administratifs n’ayant été construits qu’au milieu des années 1960. C'est l'une des plus belles ambassades libanaises dans le monde. Nous l’avons restaurée en 2009. Les banques libanaises de Paris ont contribué au financement des travaux. 



Le Liban et la France sont soudés par des liens historiques et culturels particulièrement étroits. En dépit de l'image négative véhiculée par la guerre civile, comment le Liban est-il perçu aujourd'hui et y a-t-il des idées reçues contre lesquelles vous aimeriez lutter par le biais de votre fonction d'Ambassadeur?


Les relations unissant le peuple libanais et la France remontent au XIIe siècle. Déjà à cette époque, les rapports entre les rois de France et la communauté maronite étaient étroits et privilégiés. En 1860, sous Napoléon III, les relations se sont concrétisées et renforcées. Un statut spécial a été accordé au Mont-Liban à la suite des événements douloureux qui s’y sont déroulés. Les relations qu’entretiennent le Liban et la France sont d'ordre culturel, cultuel, politique et économique. La France veille à l'indépendance et à la souveraineté du Liban. Je me réfère systématiquement à toutes les résolutions du Conseil de Sécurité concernant le Liban. C'est la France qui se charge de mettre en application les projets relatifs à ces résolutions dont les préambules comportent des clauses faisant référence au maintien ainsi qu’à la protection de la souveraineté et de l'indépendance de notre pays. La France s'implique beaucoup dans la préservation de l'unité du peuple libanais, elle aide à consolider cette unité et à protéger l'indépendance du Liban. Les relations entre les deux pays sont basées sur des valeurs humaines telles que la démocratie, la justice, la liberté, le dialogue, la modération... Nous partageons aussi des valeurs culturelles par le biais de la francophonie.


Parmi vos différentes missions, quelles sont celles qui vous tiennent le plus à cœur sur le plan humain?


Chaque pays a son charme, et chaque peuple a sa culture et ses coutumes. Pour un diplomate, il faut savoir s’adapter, même s’intégrer et comprendre le pays d’accréditation pour pouvoir travailler et réussir sa mission. En Colombie, dont le peuple était confronté à une grande pauvreté dans les années 1980, je ne pouvais qu’être sensible à la lutte quotidienne que menaient les Colombiens contre leurs conditions de vie, et que l’on observait dans les grands quartiers de la capitale et des villages avoisinants. Je crois que personne ne peut rester insensible à une telle souffrance. Il est vrai que ma fonction d'Ambassadeur me permet de vivre dans un cadre luxueux et privilégié. Toutefois, le fait de jouir de certains privilèges ne doit pas nous confiner dans l'isolement et faire de nous des étrangers par rapport à l'environnement dans lequel nous évoluons. Je me sens concerné et particulièrement sensibilisé par le sort des personnes qui vivent dans la misère. En Russie, j'ai été marqué par l'attachement profond du peuple russe à son pays, ainsi qu’à son nationalisme remarquable qui suscite l’admiration. Aucun obstacle n'a détourné ce peuple de ce qui est essentiel pour lui, à savoir la culture. Quant à l’Italie, pays méditerranéen, je ne pouvais que voguer dans sa culture, ses coutumes et les particularités du peuple italien qui ressemblent largement à celles du peuple libanais. 



Vous attachez beaucoup d'importance à la culture libanaise et contribuez à promouvoir son rayonnement. Quelles formes d'expression artistique préférez-vous mettre en avant lorsqu'il s'agit de présenter le Liban à des personnes ne connaissant pas votre pays?


Toutes les formes d'expression artistique m'intéressent, notamment celles qui contribuent au rayonnement culturel du Liban en France comme la littérature, la peinture, la musique.... J’aimerais citer les écrivains et les poètes libanais d'expression française tels Amine Maalouf, Salah Stétié, Andrée Chedid, Vénus Khoury-Ghata... Ayant consacré une partie de mes études aux lettres, j'ai naturellement tendance à promouvoir la littérature, sans pour autant négliger les autres disciplines. Je n'hésite jamais à parrainer la présentation d'une œuvre littéraire à l'Office du Tourisme libanais. Le domaine de la création littéraire libanaise est particulièrement prolifique et j’en suis réellement fier.


Si vous deviez décrire le Liban en quelques mots, lesquels choisiriez-vous?


On dit que le Liban est un message. Pour moi, c'est avant tout un brassage culturel et communautaire où la coexistence est en perpétuelle mutation.



Quelle place la francophonie occupe-t-elle au Liban? Pensez-vous qu'il faille multiplier les initiatives contribuant à la populariser, comme "La France au Liban" ou "Le Salon du Livre Francophone"?


A ce jour, la langue française, qui véhicule tant de valeurs communes à notre culture, occupe toujours la première place par rapport à d'autres langues étrangères couramment pratiquées, comme l'anglais ou l'espagnol. Un peu plus de 60% des libanais parlent français. Les défenseurs de la francophonie craignent cependant que la langue française soit reléguée au second plan derrière l'anglais. Les événements culturels organisés entre Paris et Beyrouth contribuent à préserver la place éminente occupée par la langue de Molière au Liban, même si ce ne sont pas des éléments déterminants. Je pense qu'un des points essentiels est l'enseignement de la langue française dans les écoles. Il existe désormais un programme d'aide s'appuyant sur le renforcement de l'enseignement du français et l'emploi de cette langue au sein des écoles, collèges, lycées et universités (établissements publics et privés) du Liban. Il faut encourager la lecture en ouvrant des centres dans toutes les bibliothèques et les différentes circonscriptions administratives libanaises. Le nombre de bibliothèques demeure encore limité dans beaucoup de nos régions, à mon grand regret. Il faut également pouvoir employer un personnel adéquat ayant bénéficié d'une formation spécifique pour enseigner la langue française dans les meilleures conditions. Des protocoles de coopération ont été mis en place au niveau des enseignants du secondaire et du supérieur, mais malheureusement cela ne suffit pas. Je pense que dans ce domaine, les efforts doivent être partagés entre la France et le Liban. Il est nécessaire de mettre en œuvre les meilleurs moyens en ce qui concerne le renforcement de l'apprentissage de la langue française au Liban.



Dans le cadre de l'exercice de vos fonctions, quels aspects vous rendent le plus fier de votre pays, de vos origines, et quelles valeurs tenez-vous à transmettre à vos compatriotes ainsi qu'aux citoyens étrangers? 


Je suis très heureux d'être Ambassadeur du Liban à Paris. Tout d'abord, c'est pour moi un honneur de représenter le gouvernement et le peuple libanais en France. Cela a une signification spéciale du fait des relations historiques privilégiées qu'entretiennent nos deux pays. Paris est notre première destination. D’autre part, il y a une importante communauté libanaise et franco-libanaise installée en France depuis des années dont je suis très fier. C'est une communauté particulièrement intégrée au sein de laquelle on trouve des personnes issues de milieux variés. Il y a par exemple cinq mille médecins d'origine libanaise en France mais également des ingénieurs, des professeurs d'université, des intellectuels, des écrivains, des artistes, des hommes d'affaires, des restaurateurs, des artisans, des petits commerçants.... Le peuple français considère le peuple libanais comme un peuple frère et l'a toujours accueilli chaleureusement. Le Liban est un petit pays qui a traversé un grand nombre d'épreuves; des protagonistes étrangers ont tenté de le transformer en un champ de bataille. En dépit de toutes les guerres, de toutes les épreuves, le Liban est resté fidèle à lui-même. Sa personnalité juridique internationale n'a pas été remise en cause durant les années de guerre, son administration n'a jamais cessé de fonctionner, car malgré les clivages politiques, les libanais ont su demeurer viscéralement attachés à leur pays. Le patriotisme, le dialogue, la tolérance, le vivre en commun, l’attachement profond à la liberté, à la démocratie et à la justice, se perpétuent dans le cœur de chaque libanais, où qu'il vive.












PATRICK POIVRE D'ARVOR, UN ESTHETE GUIDE PAR LA PASSION



On ne présente plus Patrick Poivre d'Arvor. Pilier du paysage audiovisuel français, ce grand journaliste a marqué le monde de l'information en imposant un professionnalisme hors pair allié à l'élégance d'un style très personnel. A la fois témoin et messager d'une époque dont il décrypte les codes avec autant de rigueur que de précision, Patrick Poivre d'Arvor est également un homme de lettres maîtrisant l'art de sublimer les mots, invitant le lecteur à la réflexion ou au rêve à travers un univers intimiste. Rencontre exclusive.       

  






Patrick Poivre d'Arvor, le public vous connaît en tant que figure emblématique de la presse audiovisuelle et écrivain à succès. Comment vous définiriez-vous?


Je suis avant tout journaliste et écrivain. Le succès découlant de la médiatisation m'intéresse peu, ce qui compte pour moi est d'essayer de suivre ma route avec droiture. L'écriture occupe une grande place dans ma vie, je suis l'auteur d'une cinquantaine de livres dont le premier, "Les enfants de l'aube", a été rédigé alors que j'étais âgé de dix-sept ans. Deux de mes ouvrages viennent d'être publiés simultanément: "Tenir et se tenir" (Presses de la Renaissance), ainsi que le premier volume d'une collection intitulée "Mots pour mots" (Seuil) créée en collaboration avec mon frère Olivier, mettant en comparaison différents textes, souvent anciens. Il y a notamment un livre dédié aux passions amoureuses des écrivains, un autre consacré à leurs procès... Dans les prochaines éditions, il sera question des rapports que les écrivains entretenaient avec leur mère; on retrouvera également les récits de grands navigateurs. Les thèmes abordés au sein de cette collection seront très variés.



Parallèlement à la rigueur et au professionnalisme qui vous caractérisent, votre style associé à votre personnalité charismatique ont contribué à vous hisser au sommet de la hiérarchie des médias et à faire de vous une célébrité. La cohabitation entre l'homme public exposé aux feux des projecteurs et l'écrivain faisant face à la solitude est-elle aisée ou conflictuelle?


Je dois reconnaître que cette situation n'est pas toujours évidente du fait de la dichotomie qui existe entre ces deux activités. J'ai longtemps considéré le journalisme comme une activité de jour, comme son nom l'indique, la nuit étant plus propice à l'écriture et la lecture. Actuellement, je me consacre de plus en plus à l'écriture. Je me nourris de tout ce que je peux apprendre par le biais de mon métier, il me parait essentiel de garder intacts ma curiosité et mon ouverture d’esprit, sources d'enrichissement de mon oeuvre littéraire. L'écriture me passionne depuis toujours, c'est pourquoi il était naturel que je me lance dans ce type d'activité. Faire de sa passion un véritable métier est une chose extraordinaire et je suis très heureux de pouvoir aller jusqu’au bout de cette passion.




Considérez-vous l'écriture comme un exutoire, et si tel est le cas, pensez-vous que le fait de coucher des mots sur une page blanche soit plus libérateur que de se confier à un interlocuteur? 


L'écriture aide beaucoup, elle m'a permis de mieux surmonter certains caps difficiles, qu'ils soient d'ordre privé ou professionnel. Néanmoins, elle ne peut se substituer à une séance de psychanalyse; c'est un art, pas une médecine ou un remède. De plus, je pense que les lecteurs n'ont que faire des états d'âme d'un auteur.



Du fait de votre profession de journaliste, on vous imagine plutôt cartésien et toujours en quête de vérité. D'un autre côté, l'écrivain que vous êtes a besoin de laisser libre cours à son imagination, sa créativité. Votre fibre créatrice s'exprime-t-elle exclusivement dans le domaine littéraire ou bien vous arrive-t-il de vous adonner à l'art par le biais de disciplines comme la peinture ou la sculpture?


Je suis un grand amateur d'art, c'est quelque chose dont j'ai besoin en permanence. Ce domaine m'intéresse, me nourrit, ouvre mes horizons. Par ailleurs, j'ai toujours été fasciné par l'opéra. Je vais prochainement mettre en scène "Carmen" de Bizet, dont les représentations se tiendront en France pendant quelques mois à partir du début du mois de juin 2010.




Quelle place l'art occupe-t-il dans votre vie? Vos goûts sont-ils plutôt classiques, contemporains ou éclectiques? Y a-t-il des artistes ou des oeuvres qui vous émeuvent particulièrement?


De nombreux artistes suscitent mon émotion. Dans le domaine de la peinture, je suis très sensible à l'oeuvre d’Yves Klein pour lequel j'éprouve beaucoup d'admiration, tout comme Kijno ou d'autres figures majeures de l'art contemporain. En fait, tout m'intéresse, je ne demande qu'à faire de nouvelles découvertes. Mes goûts sont classiques, à titre d'exemple je citerais l'exposition consacrée à Turner au Grand Palais, à laquelle je me suis rendu récemment. Deux jours plus tard, je suis allé au Centre Pompidou afin de découvrir l'exposition de Lucian Freud.




Quels sont vos goûts en matière de musique? Préférez-vous écrire dans le silence ou soutenu par une toile de fond musicale?


Comme de nombreux adolescents, lorsque j'ai commencé à écrire, la musique m'accompagnait, mais je ne le recommande à personne car c'est une source de perturbation. On ne peut pas mêler deux émotions, la sienne et celle d'un artiste. Mes goûts sont très éclectiques; hormis l'opéra, j'aime le vieux jazz américain, les belles chansons françaises dites "à texte"…. Je peux également être ému par des styles totalement inattendus qui, à priori, ne sont pas censés me plaire.




Etes-vous sensible au luxe et quel sens a-t-il à vos yeux?


Le luxe, c'est ce que l'on n'a pas. En ce qui me concerne, le véritable luxe est le temps. J'aimerais avoir la possibilité de prendre mon temps.



L'utilisation de l'outil informatique et la généralisation de l'usage d'internet ont profondément modifié le traitement et la diffusion de l'information. Quel rapport entretenez-vous avec ces technologies et pensez-vous qu'elles puissent nuire au code déontologique régissant votre profession du fait des nombreux débordements qu'elles suscitent, notamment une certaine forme de désinformation?


J'emploie ces technologies tout en entretenant un rapport très lointain avec elles. C'est pour moi un outil, pas une fin en soi. Il faut faire preuve de vigilance à leur égard, croiser ses sources, les recouper, afin de ne pas tomber dans la désinformation.



Votre métier est indissociable de l'actualité, il se vit "sur le vif". Cet ancrage dans l'instant présent a-t-il une incidence sur votre perception du temps qui passe? Etes-vous un homme nostalgique?  


Effectivement, je suis quelqu'un d'assez nostalgique. Je le reconnais et ne le vis pas comme une tare. Le passé est important, il nous apprend beaucoup sur nous-mêmes et sur l'avenir. J'ai des moments de blues et ne renie pas mon côté mélancolique qui peut laisser place à des phases d'exaltation. De ce point vue, je pense être un vrai romantique.



Vous donnez l'image d'un homme animé par la passion. Dans les sphères professionnelles et privées, vous laissez-vous plus facilement guider par la raison ou la passion?


C'est souvent la passion qui me guide, même si j'essaie de la "raisonner", notamment dans le domaine professionnel. 



Vous avez déjà eu l'occasion de visiter le Liban. Quel regard portez-vous sur ce pays et sa culture où la francophonie est encore très présente en dépit de l'influence croissante de la langue anglaise?


J'aime beaucoup le Liban, d'ailleurs je l'ai récemment mis à l'honneur dans le cadre d'une émission de télévision intitulée "Horizons Lointains" diffusée sur Arte, qui a été consacrée à Beyrouth, et dans laquelle des écrivains évoquent leur pays. Je voulais que l'on parle du Liban autrement qu'à travers les attentats et les problèmes politiques de toute nature, comme c'est généralement le cas. J'ai découvert ce pays avant la guerre. Pour les besoins de l'actualité, je m'y suis rendu très souvent en période de conflits ou de troubles, cependant j'ai toujours trouvé que l'air y était doux, dans tous les sens du terme. J'apprécie l'intelligence de ce peuple qui me touche et avec lequel je me sens bien. Le Liban est semblable au Phoenix qui renaît de ses cendres. On y trouve une force de vie très puissante, un incroyable dynamisme et un optimisme omniprésent.



Pensez-vous que la généralisation de l'accès à la culture permette de lutter contre les clivages politiques, sociaux et religieux dans un pays encore déstabilisé par trente ans de guerre civile?


C'est une évidence. La culture véhicule toutes sortes d'émotions. Un poème, quelle que soit la langue dans laquelle il est écrit, conservera son essence et pourra toucher des personnes de différents âges, religions, milieux sociaux... Je considère la culture comme un vecteur absolu de connaissance de l'autre et de rapprochement entre les êtres. La haine trouve souvent ses racines dans l'ignorance, d'où l'importance du savoir.






Patrick Poivre d’Arvor, si vous étiez....



Une émotion: celle que je ressens actuellement  


Un désir: voler comme un albatros


Une saison: le printemps


Une couleur: une tonalité entre le mauve et le parme


Une ville: Paris, bien que je ne sois pas très citadin


Un paysage: la Côte de Granit Rose en Bretagne


Un élément naturel: la mer


Un mot de la langue française: tendresse


Un moment de la journée: la tombée de la nuit


Un péché: trop de désirs à la fois








PRIVE JEWELLERY, L'ART D'EXALTER LA FEMINITE



La nature recèle des trésors d'une infinie beauté dont la diversité dépasse l'imagination. Ainsi, les gemmes sont sans nul doute l'une des plus fascinantes merveilles que les entrailles de la Terre puissent offrir. Façonnées par des mains expertes, elles s'unissent aux métaux les plus précieux pour donner naissance à de somptueux bijoux. Passionnées de gemmologie, originaires de Russie, Sonia et Katia Gaydamak ont décidé de matérialiser leurs rêves et leur élan créatif en fondant Privé Jewellery, une marque à leur image, emprunte de féminité, de raffinement et d'originalité s'inscrivant dans un esprit résolument contemporain.


J'ai rencontré Sonia Gaydamak qui m'a accordé un entretien exclusif et m'a présenté quelques unes des créations de Privé Jewellery*.


  

Comment est née votre entreprise de création de joaillerie, quelles sont vos spécificités et comment vous positionnez-vous par rapport au marché?


Privé Jewellery est le fruit d'un long processus créatif que ma soeur Katia et moi avons acquis au fil du temps. La joaillerie a toujours fait partie de notre univers. A titre anecdotique, lorsque nous étions petites, nous avions l'habitude de jouer avec les bijoux de notre mère; nous adorions ce contact avec les pierres précieuses dont l'éclat et la diversité des couleurs nous captivaient. Nous nous intéressions aux moindres détails et prenions plaisir à imaginer la façon dont laquelle ces bijoux pouvaient avoir été conçus. Réunies par notre complicité, nous avons pris la décision de partager et faire partager notre passion après avoir suivi un long cursus universitaire complété par des études de gemmologie à New York. C'est ainsi qu'est né notre projet, Privé Jewellery. Nous sommes complémentaires à tous les niveaux, même s'il est vrai que Katia s'oriente d'avantage vers l'aspect créatif et moi vers le domaine stratégique. Les marchés que nous visons sont sélectionnés en fonction d'affinités et d'attentes communes. Chacune de nos créations a une histoire qui lui est propre, c'est pourquoi les personnes accordant leur confiance à Privé Jewellery font une acquisition allant au-delà d'un choix de bijou au sens traditionnel du terme; chaque cliente se trouve confrontée à un ressenti différent en fonction de sa personnalité, sa sensibilité, mais dans tous les cas un lien unique se tisse entre le bijou que nous avons créé et la femme qui le porte. Cet aspect, essentiel à nos yeux, constitue l'un des principaux facteurs nous distinguant du marché de la grande distribution. Pour évoquer un exemple concret, nous avons élaboré une collection intitulée "1802", inspirée par l'Ordre de la Légion d'Honneur créé par Napoléon en cette même année. Nos parents, tous deux passionnés d'Histoire de France, s'intéressent particulièrement à la période Napoléonienne et à tout ce qui y a trait. Un jour, en feuilletant un livre sur Napoléon, ma soeur a décidé de créer une collection qui s'inspirerait de l'Ordre de la Légion d'Honneur. Les bijoux de la collection "1802" sont nés ainsi, et je dois avouer qu'ils ont remporté un franc succès auprès de nos clientes. Katia est naturellement dotée d'une grande sensibilité artistique qui lui permet de faire ressortir la beauté de la femme et même de l'embellir par le biais de ses créations qui la rendent plus attirante, plus sensuelle, mais également d'avantage en phase avec elle-même.

   


Quelles sont vos sources d'inspiration et comment se déroule le processus créatif aboutissant à une pièce de joaillerie?


Nous puisons notre inspiration dans le monde qui nous entoure: il peut s'agir de livres d'art, de mode, de mobilier, de sculpture... Outre les supports visuels, il est très intéressant de se laisser porter par l'émotion que suscite la musique et dont peuvent découler des idées nouvelles. Il en est de même en ce qui concerne la musicalité d'une langue. Tout ce qui repose sur un support créatif et touche notre sensibilité est susceptible de nous inspirer. Les voyages, les différentes cultures qui ont imprégné notre éducation jouent également un rôle important. Le fait que nos parents aient quitté l'Union Soviétique pour s'installer à Paris a considérablement influencé nos vies sur le plan culturel, et par conséquent, artistique, car nous avons eu accès à un double patrimoine intellectuel. Nous sommes aussi très attachées à l'Orient qui représente un vivier créatif dans lequel nous puisons de nombreuses inspirations.


Ayant un cahier des charges peu restrictif, nous avons la chance de pouvoir travailler au gré de nos envies, l'important étant d'atteindre une satisfaction créative que nous faisons partager à notre clientèle.



A quel type de femme vos créations s'adressent-elles, qui sont vos clientes?


Sans forcément se limiter à un profil particulier, tout créateur fait plus ou moins référence à un profil de femme qui l'inspire. Etant passionnée de cinéma, je pense à des actrices de légende qui, en plus de définir la féminité et l'élégance, portent en elles une beauté et une aura allant bien au-delà des mots, comme par exemple Jeanne Moreau ou, dans un registre plus moderne, Monica Bellucci. Ma soeur, quant à elle, est sensible au style du mannequin Gisèle Bündchen. De telles femmes nous donnent envie de créer des bijoux à leur intention. Cependant, je ne me réfère pas qu'aux stars et reconnais être inspirée par les personnes de mon entourage, en premier lieu notre mère. C'est une femme à la fois naturelle et très distinguée dont le goût raffiné est connu de tous ceux qui la côtoient. En plus de l'inspiration qu'elle nous apporte, nous la consultons régulièrement et recherchons son approbation par rapport au processus créatif et stratégique. Lorsqu'une nouvelle collection voit le jour, notre mère est la première personne à qui nous présentons nos modèles; sa beauté, son élégance et la richesse de sa personnalité font d'elle notre meilleure ambassadrice. Par ailleurs, Katia et moi nous inspirons mutuellement, de ce fait ma mère, ma soeur et moi formons une sorte de triangle qui constitue un véritable tremplin créatif. Nous songeons également à nos amies lorsque nous travaillons, à ce qui leur irait, aux modèles qu'elles aimeraient porter...


Parmi nos clientes, on retrouve des femmes jeunes, actives, qui aiment se faire plaisir, mais également des femmes d'âge mûr. Toutes ont en commun la passion des bijoux, l'envie de plaire et surtout de se plaire. Il arrive de plus en plus couramment que des femmes s'offrent des bijoux, et cela sans raison particulière mais simplement pour satisfaire leur envie, alors qu'il y a quelques années ce type d'achat était relativement marginal. Nos créations s'adressent à des personnes souhaitant combiner simplicité, élégance et originalité; elles peuvent être portées en toutes circonstances et à tout moment. Nous avons également une importante clientèle d’hommes en quête de bijoux susceptibles de faire ressortir la beauté et la féminité de celle à qui ils destinent leur cadeau.




Avez-vous des gemmes préférées? Parlez-nous de celles que vous avez le plus de plaisir à mettre en valeur à travers votre travail.


Je nourris une grande passion pour le diamant, non seulement pour la gemme en tant que telle, mais également pour son histoire, pour le cheminement qui fait qu'il se retrouve sur un bijou après des millions d'années passées sous terre; c'est aussi ce caractère intemporel, cet incroyable voyage à travers le temps qui me fascine, m'interpelle. Le diamant associe la beauté et l'éclat à la force: c'est le matériau le plus dur qui existe, il a le pouvoir de briller et briser en associant l'élégance et la distinction à cette dualité unique; on ne peut rester indifférent face à cela. Katia a une préférence pour l'émeraude. Personnellement, je n'apprécie pas la couleur verte, mais lorsque ma soeur emploie des émeraudes dans ses créations je les aime, tant elle maîtrise l'art et la manière de les sublimer. Notre activité est concentrée sur la joaillerie, pas la gemmologie, nous ne sommes pas diamantaires; les diamants que nous employons ont pour fonction de soutenir d'autres pièces et c'est ce qui rendra le bijou intéressant; notre recherche ne se focalise pas uniquement sur les pierres, ce qui n'exclue pas une grande rigueur quant au choix de ces dernières.



Employez-vous les pierres semi-précieuses, les pierres fines et quelle est leur place au sein de la joaillerie?


Nous employons les pierres précieuses, semi-précieuses et fines. Il s'agit de trouver des combinaisons harmonieuses et élégantes mais parfois surprenantes lorsqu'elles sont teintées d'audace. Bien que moins onéreuses que les pierres précieuses, nous travaillons également les pierres fines dont la particularité des couleurs et de l'éclat invitent au rêve, au romantisme, comme par exemple la pierre de lune, l'oeil de tigre, l'opale, l'agate ou l'onyx.... Les pierres de toutes sortes offrent une fantastique palette de coloris grâce à laquelle la créativité se renouvelle en permanence. Ainsi, une gemme peut présenter différents aspects, comme le saphir: il en existe de multiples variations allant des dégradés de bleu au rose, en passant par le rouge ou le jaune.

  

On entend de plus en plus souvent parler de pierres synthétiques (notamment en ce qui concerne les saphirs), que pensez-vous de ce type de gemmes et les utilisez-vous?


Nous nous positionnons dans le créneau de la joaillerie de luxe et n'employons que des pierres naturelles. Cependant, les gemmes synthétiques peuvent être utiles. Objectivement parlant, avec les techniques modernes actuelles, il est possible d'obtenir des résultats très esthétiques avec les pierres traitées et je ne dénigre ni les personnes qui les fabriquent, ni les clients qui les achètent. Selon moi, un bijou n'est pas forcément onéreux, c’est pourquoi il serait regrettable de porter atteinte à notre profession pour des raisons économiques. Il ne faut pas vendre tout et n'importe quoi sous prétexte que les pierres naturelles coûtent trop cher. Pour schématiser, je porte sur les pierres synthétiques un regard similaire à celui que je porte sur la contrefaçon. Je comprends que l'on soit séduit par le côté accessible de ces produits, ainsi que les motivations financières pouvant pousser certaines marques à les employer, mais c'est un état de fait que je n'accepte pas. Depuis toujours, il existe dans le domaine des gemmes une forme de hiérarchie qu'il est nécessaire de respecter, qu'il s'agisse de pierres précieuses, semi-précieuses ou fines. Je déplore que ce système soit remis en cause pour des raisons économiques. 

  

Comment reconnaître un bijou de qualité? Quels sont les critères permettant de déterminer la pureté d'une gemme?


Tout dépend du type de bijou. Lorsque l'on se trouve face à une pièce majoritairement constituée de pierreries, ce sont ces dernières qui seront examinées en premier lieu, avec minutie: les gemmes ne doivent pas présenter de défauts trop importants et le rapport qualité-prix est à prendre en compte. En ce qui concerne les bijoux constitués de diamants, il faut toujours demander un certificat gemmologique (cela est valable lorsque les diamants ont une certaine taille, s'il s'agit de pavage ou de micro-pavage, on ne délivre pas ce type de document car les pierres sont trop petites).


Au sein de Privé Jewellery, nous nous soucions également du confort de nos clientes, ce qui n'est pas forcément le cas de tous les autres joailliers: ainsi, nous accordons beaucoup d'importance au poids des boucles d'oreilles; les femmes étant toujours gênées par les boucles d'oreilles lourdes, nous faisons en sorte que nos clientes ne soient pas incommodées par des bijoux trop pesants. Par ailleurs, nous soignons beaucoup la finition de nos bijoux qui doivent demeurer esthétiques quel que soit l'angle sous lequel ils sont exposés; ainsi, lorsque nous pavons une bague de diamants, ces derniers font tout le tour de l'anneau alors qu'habituellement, les joailliers délaissent l'arrière du bijou, caché à l'intérieur de la main. Les femmes sont en mouvement perpétuel, elles sont actives et ont besoin de porter des créations qui les mettront en valeur quelle que soit la situation ou la position dans laquelle elles se trouvent.


  
Pensez-vous que le fait d'associer la joaillerie à des produits technologiques comme les téléphones portables contribue à dévaloriser votre profession en la désacralisant?


A mes yeux, la joaillerie a pour fonction d'embellir un corps, pas un objet du quotidien; un bijou doit être porté pour prendre toute sa dimension. Je conçois l'emploi des pierres et des métaux précieux dans le cadre d'objets ornementaux, on atteint alors une dimension qui relève de la décoration. Par contre, je déplore la banalisation de la joaillerie lorsqu'elle s'applique à des objets aussi usuels que peuvent l'être des téléphones portables, susceptibles d'être perdus ou cassés. Des pierres telles que les diamants sont faites pour être valorisées, chéries, transmises d'une génération à une autre. Elles sont précieuses, de ce fait ne sont pas destinées à des articles technologiques ou des gadgets dont la durée de vie est limitée.



Y a-t-il des projets d'exception auxquels vous aimeriez vous consacrer?

Bien que passionnée de joaillerie, je considère qu'il y a dans la vie des choses beaucoup plus importantes, comme par exemple les actions caritatives qui constituent véritablement des projets d'exception car rien ne compte plus que ce qui a trait à l'Homme. Nous allons prochainement assister à une soirée de charité pour laquelle une paire de nos boucles d'oreilles sera mise aux enchères. La recette de la vente sera destinée à un projet de notre choix, en l'occurrence permettre à des orphelins de partir en vacances. Le fait que la joaillerie devienne un vecteur permettant de rendre le sourire à un enfant est représentatif de ce qui, pour moi, incarne un projet d'exception.



L'or atteint des prix de plus en plus élevés et devient une valeur refuge. Comment envisagez-vous l'avenir de votre profession et celui de votre entreprise?


Le prix de l'or est un problème majeur auquel se trouve confrontée notre industrie. C'est notre matière première et il semble que la tendance ne s'oriente pas vers la baisse dans un proche avenir. Pour le moment, nous avons la possibilité de conserver notre liberté créative sans avoir à nous limiter pour des raisons budgétaires. L'avenir nous dira si nous devrons tenir compte de l'inflation dans l'élaboration de nos futures collections. A l'heure actuelle, nous sommes dans l'expectative, les fluctuations boursières sont telles qu'elles ne nous permettent pas de nous positionner de façon claire par rapport au marché. Quoi qu'il en soit, l'industrie de la joaillerie est importante, elle jouit d'une grande ancienneté et son ancrage est suffisamment solide pour que les différents aléas économiques ne la fassent pas sombrer. Le luxe est synonyme de rêve et les gens auront toujours besoin de rêver, quel que soit le contexte socio-économique, c'est pourquoi je demeure confiante par rapport à l'avenir de la profession en général et de notre entreprise en particulier.


  


*www.privejewellery.com