La première décennie du XXIème siècle touche à sa fin, marquant l'avènement des nouvelles technologies dont le développement ne cesse de croître; alors que notre époque connaît des bouleversements sans précédent depuis la révolution industrielle, notre planète n'a jamais été si polluée. En écho aux déclarations des scientifiques qui nous assaillent de prévisions alarmistes, nous assistons à une forme de retour aux sources se caractérisant par une envie de vivre plus sainement. La qualité de l'air que nous respirons étant difficilement contrôlable, beaucoup d'entre nous se tournent vers l'alimentation biologique; mais qu'en est-il réellement et quels peuvent être les bénéfices du "bio" pour notre santé?
Par définition, les denrées issues de l'agriculture biologique ne sont censées renfermer aucune substance chimique. Malheureusement, l'environnement moderne ne permet pas toujours d'atteindre cet idéal, et cela pour diverses raisons:
- les sols peuvent receler des traces d'engrais chimiques et de pesticides s'ils ont été cultivés selon des méthodes conventionnelles avant d'être employés pour les cultures biologiques.
- il est impossible d'écarter le risque d'une contamination par des parcelles voisines ayant subi des traitements chimiques.
- s’ils ne sont pas rigoureusement isolés, les aliments biologiques sont susceptibles d'être contaminés par les polluants contenus dans les produits issus de l'agriculture conventionnelle lors des opérations de stockage, de transport, de transformation ou de distribution.
De nombreuses études permettent néanmoins d'affirmer que, lorsque des résidus de pesticides sont retrouvés dans les denrées "bio", leurs taux sont nettement inférieurs à ceux renfermés par les aliments standard. Contrairement à ces derniers, les fruits et légumes biologiques sont cultivés à l'aide de substances naturelles, de ce fait, on retrouve en moyenne 500 fois moins de pesticides dans les fruits biologiques, et jusqu'à 700 fois moins dans les légumes. Les fertilisants organiques permettent également de réduire de façon significative les taux de nitrate contenus dans les denrées biologiques, qui affichent des valeurs de 10 à 40% inférieures à celles des fruits et légumes conventionnels.
Les adeptes du bio prétendent que les produits n'ayant pas été exposés aux pesticides et autres polluants présentent des qualités gustatives supérieures à celles des aliments issus de la production conventionnelle. Si la notion de goût est difficile à mesurer dans le cadre d'un laboratoire d'analyse du fait de sa subjectivité, des études nutritionnelles ont permis quant à elles de relever certaines différences, en faveur des aliments biologiques. Ainsi, les céréales "bio" contiennent moins de protéines que les céréales traitées (en moyenne 10 à 20%), mais dans la mesure où ces protides sont de meilleure qualité, l'organisme les assimile mieux. Les fruits et légumes "bio" sont un peu plus riches en minéraux (notamment magnésium et fer), contiennent d'avantage de vitamine C (de 5 à 90% de plus) et de métabolites secondaires comme les polyphénols (10 à 50% de plus). En revanche, on ne note aucune différence concernant la contamination par les métaux lourds résultant des fumées d'usines et autres gaz d'échappement (notamment plomb, mercure et cadmium): la pollution atmosphérique n'épargne aucun type de culture. Les conditions de transport et de stockage peuvent altérer la qualité d'une production et être à l'origine de la présence de mycotoxines, germes pathogènes et parasites dans les aliments, qu'ils soient d'origine biologique ou non.
Souvent associé à la production de végétaux, le "bio" concerne également l'élevage. Les viandes pouvant bénéficier de l'appellation biologique sont issues d'animaux ayant reçu une alimentation naturelle exempte de pesticides, colorants, conservateurs, arômes artificiels et OGM (organismes génétiquement modifiés). Ces produits carnés présentent des avantages non négligeables par rapport aux viandes conventionnelles: ils contiennent moins d'eau, sont plus riches en protéines mais également en lipides dont la qualité nutritionnelle est supérieure; ainsi, on trouve d'avantage d'Oméga 3 et d'Acide Linoléique Conjugué (ALC) dans la viande et le lait biologique (10 à 60% de plus).
Dans les exploitations répondant au cahier des charges de la production biologique, il est interdit d'administrer des hormones et des anabolisants aux animaux (l'hormone de croissance est couramment utilisée pour stimuler leur croissance de l'ordre de 5 à 15%, tout comme les hormones sexuelles telles l'oestradiol, la progestérone, la testostérone permettant de synchroniser les chaleurs...). Bien qu'étant interdits par l'Union Européenne qui les a classés dans la catégorie des produits cancérigènes, les traitements à base de 17β Estradiol (hormone sexuelle féminine) sont toujours autorisés dans un grand nombre de pays. En plus des stimulations hormonales, les animaux issus d'élevages conventionnels sont soumis à des antibiothérapies à triple visée:
- préventive: afin d'éviter de contaminer tout un élevage lorsqu'une infection bactérienne contagieuse fait plusieurs victimes.
- additive: elles réduisent l'appétit des animaux tout en maintenant leur niveau de production et en accélérant légèrement leur croissance.
- curative: pour soigner en cas d'infection.
Ces pratiques sont strictement interdites dans le cadre d'exploitations biologiques où les antibiotiques ne sont utilisés que pour traiter des animaux malades. Que les élevages soient "standard" ou "bio", les denrées issues d'un animal ayant reçu un traitement médicamenteux ne peuvent être produites qu'après un certain temps d'attente; cependant, l'agriculture biologique a pour obligation de doubler ce temps d'attente minimal afin de permettre à l'organisme malade d'éliminer d'avantage de substances chimiques. Un animal ayant reçu plus de deux traitements allopathiques formulés à partir de molécules de synthèse ne pourra être certifié biologique, c'est pourquoi la priorité est accordée aux médecines naturelles comme la phytothérapie ou l'homéopathie; de ce fait, on retrouve beaucoup moins de substances médicamenteuses dans les viandes "bio".
Conscients de la présence de pesticides, antibiotiques et diverses hormones dans les aliments découlant de l'agriculture conventionnelle, les scientifiques ont décidé d'étudier l'impact de ces substances sur notre santé. Or il apparaît que les pesticides constituent un élément perturbateur du système endocrinien, non seulement pour les agriculteurs qui les utilisent pour traiter leurs cultures, mais également à faibles doses pour les consommateurs qui ingèrent des mets soumis à des traitements chimiques. Les produits les plus touchés sont les fruits et légumes destinés à l'exportation; en effet, plus le temps de transport est long, plus les aliments sont traités afin de parvenir à destination dans le meilleur état de conservation possible. Les denrées délicates, comme par exemple les fraises, sont particulièrement concernées et présentent des concentrations de pesticides d'autant plus importantes qu'elles ne sont pas isolées par une peau protectrice, contrairement à des fruits tels les pommes ou les bananes. Le fait de consommer régulièrement et à long terme des aliments contenant des pesticides est susceptible d'induire des troubles endocriniens dont les conséquences sont multiples: problèmes de reproduction (chez l'homme et la femme), anomalies congénitales en cas d'exposition in utero, désordres immunitaires, problèmes neurologiques, développement de certaines formes de cancer. Une liste de 48 substances entrant dans la composition de pesticides autorisés en Europe a été dressée, reconnaissant l'influence néfaste que ces agents chimiques peuvent avoir sur le système endocrinien. Dans la mesure où il n'est pas toujours possible d'avoir accès à des aliments biologiques, il est recommandé de consommer des fruits et légumes de saison (afin d'éviter les traitements chimiques inhérents aux transports portant sur de longues distances) et de les peler lorsque cela est possible car les polluants se concentrent essentiellement dans la peau des végétaux.
L'utilisation intensive d'antibiotiques au sein des élevages contribue quant à elle à favoriser la résistance des bactéries susceptibles d'être contractées par l'animal et par l'homme. En consommant des denrées contenant des résidus d'antibiotiques issus d'animaux traités, l'homme, à l'instar du bétail ou des volailles, développe une résistance aux molécules censées détruire les bactéries. De ce fait, on assiste à un double phénomène: d'un côté les antibiotiques renforcent la résistance des bactéries qui deviennent de plus en plus difficiles à vaincre, de l'autre leur consommation régulière (même à l'état résiduel dans les viandes) développe un facteur de résistance chez les individus, induisant une réponse diminuée ou nulle lorsqu'ils sont administrés à titre curatif contre les infections bactériennes.
Face aux denrées standard, les produits issus de l'agriculture biologiques présentent donc un certain nombre d'avantages qui méritent d'être pris en considération par les personnes souhaitant se nourrir de façon plus naturelle. Encore faut-il s'assurer de l'authenticité du caractère "bio" d'un aliment, car les fraudes, bien que rares, existent. Pour cela, plusieurs labels ont été créés, correspondant à différents cahiers des charges dont les critères sont variables:
- le label "AB" (Agriculture Biologique): c'est le label officiel de l'agriculture biologique française, déposé par le ministère de la culture depuis 1985, imposant qu'un minimum de 95% des ingrédients composant un produit soient d'origine biologique. Il garantit également l'absence de produits chimiques et d'OGM.
- le label "Bio Européen": établi par la Commission Européenne en 2000, il impose des réglementations identiques à celles du label "AB" mais tolère la présence d'OGM allant jusqu'à 0,9% ainsi que l'utilisation de certains pesticides lorsqu'il n'existe aucun équivalent d'origine organique.
- le label "Nature et Progrès": créé par une association d'écologistes regroupant exploitants, transformateurs et consommateurs; c'est l'un des plus stricts, son cahier des charges étant encore plus rigide que celui du label "AB". Il ne distingue pas seulement des produits mais une exploitation dans son intégralité en interdisant l'utilisation de tous produits chimiques et en limitant au maximum les traitements vétérinaires.
- le label "Demeter": fondé en 1932, il correspond à une marque internationale privée de produits biologiques issus de l'agriculture "biodynamique" dont le but est d'établir un équilibre entre les espèces et les cultures afin d'accéder à l'autosuffisance. Il soutient un système de production basé sur la nature et le rythme des saisons, respectant la croissance des animaux et des plantes. Son cahier des charges interdit l'utilisation de substances chimiques et exige que les produits qu'il certifie soient composés d'un minimum de 90% d'ingrédients biologiques.
Il convient de souligner que l'agriculture biologique permet de respecter les rythmes de la nature par le biais de la rotation des cultures, occasionnant de ce fait le maintien de terres de bonne qualité; les fertilisants organiques issus des déjections animales induisent un recyclage des déchets qui deviennent fonctionnels. Le mode de production "bio" octroie aux animaux de meilleures conditions de vie car les densités de peuplement sont limitées et inférieures à celles des élevages conventionnels (ils ont accès au plein air et il est interdit de les attacher ou de les mettre en cage, comme c'est le cas en ce qui concerne les poulets élevés en batterie).
Pour les consommateurs soucieux de la préservation de leur santé et de l'environnement, comme pour les individus les plus fragiles (enfants, personnes âgées, femmes enceintes ou en période d'allaitement, patients immunodéprimés), l'alimentation biologique constitue un gage de qualité et de sécurité dont il serait dommage de se priver.
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